Monday, October 20, 2008

ARTICLE - TV5 - OCTOBRE 2008

Dansez-vous la poutine? Au Québec, le hip-hop se chante aussi en joual
MONTRÉAL, 17 oct 2008 (AFP) - 17/10/2008 04h10


Dansez-vous la poutine? Le hip-hop québécois s'est libéré de l'accent marseillais pour se décliner dans les mille tons du joual, le "dialecte" local, mais peine encore à s'imposer dans les grands médias.

"Dans les années 90, les gens étaient vraiment influencés par le rap français. Ça se faisait naturellement de copier l'accent tandis que maintenant les rappeurs ont vraiment des références québécoises", lance Linso Gabbo, jeune membre d'Omnikrom.

Ce groupe phare de la scène électro-rap de Montréal qui a collaboré avec les Français de TTC, notamment pour la chanson ludique "Danse la poutine", utilise un langage cru, voire salace, et attire les foules lors de ses spectacles. D'autres groupes proposent des titres aussi fleuris comme "Le tabarnak", référence au juron emblématique de la province francophone, de "L'Authentik payzan".

"Au début des années 90, il y avait le rap américain ou le rap français. Au Québec, les gens +rappaient+ avec un accent comme s'ils venaient de Marseille. C'est vraiment Sans Pression qui a développé le rap en joual", explique Maxime Truman, alias "Ironik", membre du groupe L'Assemblée.

Originaire de l'ex-Zaïre, Sans Pression, ou plus simplement "SP", a jeté un pavé dans la mare en préférant le joual à un accent français "pointu", et pris de court l'industrie avec son premier album "514-50 Dans mon réseau", en 1999, vendu à plus de 35.000 copies, un succès compte tenu de la petite taille du marché québécois.

"Je me suis rendu compte que les jeunes écoutaient du rap dans une langue qui ne collait pas à leur réalité", dit-il, lunettes fumées, large sourire aux lèvres et un pendentif aux couleurs du Québec accroché au cou.

Depuis ce coup d'éclat, de l'eau a coulé sous les ponts du hip-hop québécois. L'usage, corsé ou modéré, du patois varie d'un artiste à un autre et les grandes maisons de disque locales ont tenté de flairer la bonne affaire.

Loco Locass, un trio engagé adepte de la rime mordante, a connu un succès populaire en 2005 avec son album "Amour oral" et son hymne au vitriol "Libérez-nous des libéraux", qui s'est frayé un chemin sur les ondes des radios commerciales tout en canalisant la contestation sociale.

Mais plusieurs projets lancés par les grandes sociétés de disques locales n'ont pas abouti au même succès critique ou populaire.

"Les maisons de disques traditionnelles vendent ici le rap comme si c'était du rock et se demandent pourquoi ça ne marche pas. Mais c'est un public différent", analyse Maxime Truman. "La beauté du hip-hop ici, c'est que comme c'est petit, le milieu est beaucoup plus indépendant... Ça donne lieu à plusieurs styles et à un rap moins standardisé", pense-t-il.

Des centaines d'artistes francophones alimentent aujourd'hui le hip-hop au Québec et dans le reste du Canada - notamment le groupe "Radio Radio" du Nouveau-Brunswick - mais ils se divisent en plusieurs chapelles musicales au point qu'il est difficile de parler d'une seule scène rap.

La plupart des médias boudent ces artistes hormis les radios universitaires, la presse culturelle spécialisée et la chaîne de musique MusiquePlus qui compte régulièrement des productions indépendantes dans son palmarès des vidéo-clips les plus populaires.

Dans un marché restreint, avec un public âgé entre 15 et 30 ans habitué à télécharger les chansons sur internet, les artistes rap québécois doivent avoir la bosse des affaires pour vivre de leur musique et vendre une panoplie de produits dérivés.

"Un disque peut être copié mais pas un t-shirt", résume Sans Pression, un des rares à vivre de son oeuvre à l'ombre des grands médias.

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